Une partie de l’article ci-dessous a été publié dans l’Orient-Le-Jour sous le titre « Le non du Liban à la guerre, le oui à l’indépendance politique et à la souveraineté nationale » disponible sur https://www.lorientlejour.com/article/1354905/le-non-du-liban-a-la-guerre-le-oui-a-lindependance-politique-et-a-la-souverainete-nationale.html
Il fallait être novice avec Israël pour ignorer que la réponse à l’incursion du Hamas en territoires occupés allait être criminelle et génocidaire !
Comment qualifier cette incursion sanguinaire ciblant des civils israéliens sinon que d’une irresponsable « récréation » ? Si seulement avait-elle été agencée de façon si fignolée qu’elle aurait permis de récupérer une partie de la Palestine occupée ! Mais non ! Si seulement, le Hamas avait-il assuré ses arrières de sorte à protéger avant tout, les plus de deux millions de civils gazaouis de la riposte armée indubitable d’Israël duquel ils sont vitalement dépendants (eau et courant électrique etc.), les plus de deux millions de personnes vivant sous blocus, persona non grata de surcroît en Égypte qui les soumet par ailleurs à l’emprise du dictat inhumain et aléatoire de l’ouverture/fermeture du passage-frontière de Rafah.
Si Israël est incontestablement un état d’apartheid coupable en vertu du droit international de violations des droits de l’homme et de crimes contre l’humanité, le peuple palestinien victime entre autres, d’une des plus grandes spoliations et annexions territoriales de l’Histoire, paye aujourd’hui à Gaza, dans le sang, le prix du jeu criminel mégalomaniaque avorté du Hamas !
Entre temps, pendant que la population gazaoui se fait exterminer par Israël alors que le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, est réfugié dans la sécurité de l’exil et que les dirigeants des pays arabes se contentent de déclarations stériles, les libanais attendent le cœur battant, la décision de la milice chiite dont le chef Hassan Nasrallah vit caché à l’abri- de s’impliquer ou non dans la guerre du Hamas contre Israël.
Le Liban a pourtant déjà payé assez cher, du fait de la signature des accords du Caire de 1969, le tribut de la cause palestinienne. En dépit de cela, encore aujourd’hui, le peuple libanais retient son souffle. Il entend ici et là, parler d’unité des fronts ; du fait de cette échéance cruciale, l’alliance du Hezbollah avec le Hamas pourrait ne plus se limiter à de simples visites bilatérales « de courtoisie » et à de braises mortelles allumées à bon escient, dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban.
Seulement, nous sommes nombreux libanaises et libanais à refuser d’être les otages des armes miliciennes du Hezbollah et de continuer à assister impuissants, à l’hypothèque de nos vies par l’agenda politique iranien dont le Hezbollah dépend organiquement.
Nous sommes nombreuses et nombreux à appeler, depuis des années à l’application des résolutions onusiennes notamment la 1559 et 1701. La résolution 1559 « demande que toutes les milices libanaises et non libanaises soient dissoutes et désarmées » et « que soient strictement respectées la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’unité et l’indépendance politique du Liban, placé sous l’autorité exclusive du Gouvernement libanais s’exerçant sur l’ensemble du territoire libanais » (Nations unies, 2004).
La résolution 1701 de 2006 lance « un appel en faveur d’une cessation totale des hostilités fondée, en particulier, sur la cessation immédiate par le Hezbollah de toutes les attaques et la cessation immédiate par Israël de toutes les offensives militaires » et demande « au Gouvernement libanais et à la FINUL (…) de déployer leurs forces ensemble dans tout le Sud » (Nations unies, 2006).
Que faut-il donc au premier ministre libanais pour agir enfin en Homme d’État et exiger la neutralité du Liban par rapport au conflit armé régional ? Au lieu de faire aveu d’impuissance, de se contenter d’établir un plan d’urgence tout en serrant les mains aux commandants et officiers de la FINUL, que lui faut-il pour demander officiellement de dissocier le Liban -pour le préserver- de l’aile armée du Hezbollah en exigeant la mise en place et l’application des résolutions onusiennes notamment la 1559 ?
Pour nous peuple libanais qui ne préconisons pas le culte du martyr, nous refusons d’être victimes d’un traumatisme de plus, de vivre avec la peur au ventre, dans l’anticipation anxieuse d’une frappe israélienne, dans la frayeur de voir notre aéroport bombardé, donc de nous savoir coupé du monde, de devoir une fois de plus dire aurevoir à des ami.e.s et d’être terrorisés à l’idée de perdre encore des membres de nos familles.
Au gouvernement libanais actuel qui, à l’instar de tous les gouvernements qui l’ont précédé, tergiverse encore sur la question des armes du Hezbollah, nous exigeons que notre droit à la vie et à la sécurité de nos personnes soit respecté. Si l’État libanais, ainsi que les partis et députés de « l’opposition », ne prennent pas officiellement position quant à cet enjeu de poids tout en œuvrant sérieusement à la mise en application de la 1559 et 1701, qu’ils soient avisés : ils portent d’ores et déjà l’entière responsabilité des conséquences inhumaines drastiques, physiques et mentales, que risque de générer le basculement du Liban dans une guerre interposée, une guerre dont il ne veut pas.
Zeina Zerbé