Mariage précoce : raisons socioculturelles, conséquences psychologiques et préventions possibles
15 samedi Mar 2014
Posted A Pas de Femmes
in15 samedi Mar 2014
Posted A Pas de Femmes
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10 lundi Mar 2014
Posted Echos de guerre
inPublié dans l’OLJ du 25 mars 2014
http://www.lorientlejour.com/article/860349/26-avril-2005-8-mars-2014.html
Le 14 mars 2005, nous étions descendus dans la rue. Depuis 1990 nous descendions, de temps en temps, quand nous le pouvions entre deux arrestations, deux menaces puis de plus en plus souvent. Le vent tournait. Nous étions « sous mandat » et on avait soif de liberté et de libération. Le peuple étouffait. Notre seule aspiration était de récupérer notre territoire des filets de l’occupation, de l’injustice, de l’annexion ; de sauver notre Etat de ces présidents nommés, de ces mêmes ministres désignés, de sa constitution sans cesse amandée ; de désengrener nos pensées robotisées, léthargiques ; de récupérer nos disparus.
Le 14 mars 2005, quand nous sommes descendus dans la rue –Hommes, femmes, enfants, personnes âgées, chrétiens, musulmans et druzes- nous avions un seul slogan : « Syriens dégagez ». Nous brandissions tous le drapeau libanais, symbole de nos retrouvailles et d’une première reconnaissance depuis la guerre de notre appartenance identitaire commune. En nous, il y avait une immense détermination et puis la roue de la politique internationale tournait.
Un mois plus tard alors, oui un jour, le 26 avril 2005 les syriens sont enfin, officiellement partis.
(…)
Le 8 mars 2014, 9 ans après, de nouveau nous sommes descendus dans la rue mais la rue libanaise avait un autre gout amer.
Des femmes libanaises étaient mortes sous les coups de leurs maris. La justice libanaise avait été complice des crimes : les maris ont été acquittés.
Des femmes libanaises mariées à des étrangers ont dû quitter le pays ou y séjourner écrasées, la loi au Liban n’accordant pas de place à leurs enfants. Ces derniers payent comme n’importe quel travailleur étranger un permis de séjour tous les ans, depuis qu’ils sont nés et l’exercice de différentes professions leur est interdit. L’Etat libanais se révèle incapable d’accueillir en son sein les enfants de ses femmes libanaises et de leur accorder la nationalité de leur mère. Il les rejette comme des parias leur préférant les enfants d’autres femmes russes, syriennes, françaises, américaines, égyptiennes, etc. mariées à des libanais. Non sens et machisme aveugle !
Les injustices à l’égard de la femme et du citoyen libanais sont nombreuses. Les ONG qui s’occupent de les recenser et de juridiquement les défendre seraient plus à même de les détailler.
Nous nous contentons de signaler ici qu’à cette manifestation du 8 mars 2014 pour demander la promulgation de la loi contre la violence faite aux femmes, il n’y avait que deux ou trois députés. Peut-être que les autres préfèreraient seulement amadouer les femmes un peu avant les élections. Ou se contenter, si elles appartiennent aux familles influentes de la région, de leur présenter leurs condoléances lors des décès de leurs proches. Cela suffirait, peut-être pour eux, pour se faire réélire. Peut-être qu’œuvrer à la libération de la femme de la coupe du mari pourrait porter un risque certain en effet boule de neige qu’ils pressentiraient du fond de leurs âmes corrompues : la libération du peuple de leur joug…
Et les femmes du président de la république, du premier ministre, du président de la chambre, les femmes des présidents des différents partis politiques ne pouvaient-elles pas l’espace d’un jour ce 8 mars 2014 se déplacer pour rendre hommage à Manale, Roula et à toutes les autres femmes mortes parce que leurs maris à elles présidents, députés ou ministres qui ont le pouvoir de faire promulguer les lois, s’en abstiennent ? Oui ces femmes des hommes influents qui perçoivent l’argent du peuple pour vivre, ne se rendraient-elles pas aussi, par leurs absences ce 8 mars, complices de la déchéance de la femme libanaise, leur concitoyenne ?
En 2005 notre seul souci était la liberté. En 2014, les syriens étaient militairement partis. Ce n’est que maintenant 9 ans plus tard, depuis que la société civile a commencé à s’affirmer pour défendre les droits de l’homme, de la femme, des enfants, des animaux, l’environnement, le patrimoine et la culture que nous réalisons à quel point les années 1975-2005 ont gangrené et asservi le citoyen. A quel point le citoyen libanais, tellement étouffé par l’occupant n’avait pas réalisé combien il prenait du retard par rapport à une Europe et une Amérique qui ont poursuivi leurs batailles de mai 68, de justice, de droits du citoyen et de droits de l’Homme. Le citoyen libanais n’avait pas réalisé qu’il s’était laissé faire peut-être par habitude, par peur, à l’injustice, à la corruption, à la manipulation, et que sans se rendre compte, pendant 30 ans, l’occupation l’avait lobotomisé et l’avait amené naturellement à faire abstraction de tous ses droits.
En tout cas la manifestation du 8 mars 2014 nous aura appris que la libération de la société libanaise des séquelles politiques et sociales de la guerre et de la présence de l’armée syrienne n’a pas eu lieu le 26 avril 2005. Elle a eu lieu quand la société civile s’est réveillée et a commencé à refuser de continuer de se plier par habitude. Elle a eu lieu par le mariage civil de Nidal et Khouloud et par le refus catégorique des meurtres de Manale et Roula.
Peut-être bien qu’aujourd’hui les hommes et femmes libanais coupés d’eux-mêmes un 13 avril 1975, ont commencé enfin à se retrouver.