Publié par l’OLJ le 29 Novembre 2012
https://www.lorientlejour.com/article/789825/Au_theatre_de_l’Independance.html
Les coulisses bourdonnent!!! Un bruit de fond annonce aux spectateurs que quelque chose d’imminent se prépare ou va se passer. Ce bruit est sonore, assourdissant, étouffant. Les spectateurs se trouvent dans une salle de théâtre qui s’appelle Liban. Ils attendent depuis un long moment déjà la représentation qui va bientôt commencer. De longs soupirs, des petits cris étouffés, des gémissements leur échappent.
Les acteurs et le metteur en scène, eux, ont l’air sourd. En réalité, ils sont tellement dépassés, tellement angoissés, tellement apeurés par tout ce qu’ils ne contrôlent pas, que fébriles, ils pensent juste à arborer leurs costumes.
Les costumes, c’est très important. Il faut trouver la tenue des acteurs, la bonne tenue qui cache les corps nus et les peaux qui regorgent de tatouages, les tatouages des visages de leurs collègues morts pour rien qu’ils n’ont pas pu protéger. Il faut trouver aussi les bons chapeaux. Peut-être que les bérets seraient adéquats pour couvrir le haut de leurs têtes qui s’inclinent au devant des postes auxquels ils s’agrippent. Et quoi faire des mains, ces mains qui caressent compulsivement l’argent reçu comme acompte liquide sur la vente des citoyens ? Pourquoi pas de beaux gants blancs ?
Le metteur en scène pousse un soupir de soulagement ! Les acteurs ont adopté leurs costumes. L’ambiance est tellement festive qu’elle en devient affolante.
Le chant est national, l’hymne est militaire, la marche aussi. Mais les spectateurs poussent des cris stridents, ils sursautent ! A quelques pas de là, en effet, les milices sunnites tirent quelques coups. Le défilé continue car cela se passe à Tripoli ; c’est loin, c’est au nord du Liban cet endroit. Mais un autre coup retentit, assourdissant ! C’est un obus israélien ! Obus israélien ? C’est donc au sud ! Le défilé continue, l’armée n’a pas le choix : l’Etat a peur. Il ne peut donc pas empêcher la milice chiite qui s’appelle Résistance de s’adonner à son envie de tirer des roquettes et de s’unir à la cause Palestinienne. L’armée défile, elle arbore ses blasons, libanais. La Palestine ? Oui il y a des groupuscules armés dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban. Mais il s’agit d’une autre guerre, là, dans les camps, au Liban… L’armée a fini de défiler…
Le metteur en scène et ses co-équipiers serrent avec un sourire, les mains des personnes qui les félicitent pour la belle représentation qui s’est jouée. Ils sont heureux. Le Liban, depuis 69 ans déjà, n’est plus sous mandat français…
L’explosion qui a démoli un quartier à Achrafieh en engloutissant Wissam el Hassan seulement un mois plutôt, ne correspondait pas au thème de la fête.
Le metteur en scène et ses co-équipiers dormiront fatigués ce soir-là. C’était une dure journée. Ils s’étaient tenus debout, trop longtemps!
Heureuse fête de l’indépendance !
Zeina Zerbé