http://www.lorientlejour.com/article/634068/Peur_de_quoi.html
« Chrétien », « Musulman », « Druze » et j’en passe… le libanais se retrouve emprisonné dans son identité religieuse et confessionnelle, affilié à un Dieu avec lequel sa relation n’est plus personnelle, pour sombrer dans le carcan des castes et des clans (des sectes ?) desquelles les gourous ne veulent plus le libérer.
Il s’agrippe à cette identité, comme si c’était la seule qui pouvait le définir, lui conférer un sentiment d’appartenance, lui garantir l’éternité, le protéger. Il a peur. Peut-être peur de ne plus exister en dehors d’elle, de ne plus exister du tout, de se retrouver anéanti par ce qui n’est pas elle, parce qu’il n’a pas appris l’ouverture culturelle, la réalisation de soi, il n’a pas appris à se dépasser, au nom de la vie. Cette identité religieuse le ronge tout en le protégeant, comme une mère qui continue à étouffer son enfant en ne voulant pas voir qu’il a grandi. Alors l’enfant choisit cette pseudo-sécurité et continue à être un enfant à 20, 25, 30 et 50 ans, pour ne pas tuer sa mère… mais il oublie de grandir.
Cette identité religieuse prime sur le sentiment d’être libanais. Il y a des identités religieuses. Il y a forclusion de La loi. Il y a des lois. Théocraties. Mais est- ce bien Dieu ? Des religions, Des formes de mariages, Des formes de divorces, Des formes d’héritages, Des conceptions des droits de l’homme, de la femme, de l’enfant. Le citoyen n’est plus Un citoyen libanais qui obéit à Une loi, à Un système judiciaire. Il devient citoyen de Dieu, tel que les hommes l’ont façonné à travers une phrase d’évangile ou une sourate de Coran.
Figé dans son identité religieuse, il emprisonne l’autre dans son autre identité religieuse, craint de la dépasser car même s’il la dépasse, elle finira par le rattraper. La laïcité n’existant pas, si le mariage ne le lèse pas, le divorce pourrait le faire, la loi, tributaire de la religion concernant la garde des enfants et les droits d’héritage, pourrait le faire.
Tant qu’il y a Des lois, l’homme va demeurer éparpiller. Victime de sa culpabilité originelle envers Dieu, il reste soumis aux sermons des hommes de religion qui lui parlent de ses droits de « chrétien », de « musulman », de « druze » et qui se targuent d’être ses protecteurs, comme s’il était toujours un enfant, comme s’il se devait de le rester pour les faire exister. Alors il sombre dans la prière et la foi pour s’en sortir, ils l’absouent de ses péchés et lui, il rend grâce à Dieu de Lui plaire, est heureux de se conformer… à ces messagers de Dieu qui le dominent.
L’Etat, silencieux, alimente le tout, écoute les uns et les autres, se retrouve victime de leurs manipulations au nom du respect de tous et du droit à la différence. Il conspire et, directement ou indirectement, rentre dans un système pervers où il couvre ces institutions religieuses et les aide à fructifier leur commerce. L’opposition à l’instauration du mariage civil en est le premier exemple. Sous la couverture de l’union de l’homme au « nom de Dieu » se cache sans doute l’opposition à la fuite de millions de dollars qui renflouent les caisses à travers multitude de mariages et de divorces entre autres… Apparemment Dieu en Europe, en Australie, en Amérique, au Vatican même serait plus tolérant, le citoyen moins éclaté, l’Etat des droits de l’homme et de la démocratie plus avéré….
Peut- être qu’en définitive, le Liban aurait besoin d’un Ataturk libanais qui viendrait renverser tout le système qui nous régit et qui entraine l’homme encore plus loin vers sa déchéance personnelle et la société vers un éclatement profond…. Un Ataturk qui sera garant des droits civils et qui saura imposer un système de lois unifié.
Peut-être aussi qu’il est temps que l’homme libanais accepte de grandir et décide de sortir de sa peur pour demander l’égalité des droits de tous les hommes au sein d’une société laïque. La liberté de religion rentrera alors seulement dans le cadre des croyances personnelles et d’une aspiration individuelle à une certaine forme d’épanouissement spirituel.
Zeina Zerbé
Le 30 septembre 2009