Interview télévisée
19 samedi Oct 2013
Posted Jargon de psy
inInterview télévisée
11 vendredi Oct 2013
Posted A Pas de Femmes
inLa femme libanaise, entre lois de « Dieu » et lois des hommes
Le dimanche 7 juillet 2013, Roula Yacoub, 32 ans, est décédée dans le village de Halba. Cause : Battue à mort par son mari violent. Ce n’était pas la première fois qu’il la battait, ce n’est pas la première femme libanaise victime de violence domestique, ce n’est pas la dernière. Beaucoup de pères, de frères, d’époux s’accordent le droit de disposer du corps de leurs filles, de leurs sœurs, de leurs femmes. Ils s’en font la propriété. On dirait des femmes-objets. Ce statut de femme-objet est légitimé par le silence des autres femmes, les grands-mères, les mères, les sœurs, les belles-mères, les belles-sœurs de ces femmes qui sont victimes elles aussi mais qui sont en même temps souvent complices de la perversité violente des hommes.
Pourquoi ? Quelle défaillance au niveau de la législation des lois en faveur des droits de la femme ? Pourquoi ces dérives alors que le Liban a ratifié la charte universelle des droits de l’homme et reconnait au moins l’article 1 qui stipule que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ? Pourquoi la discrimination entre les sexes (le crime dit d’honneur ayant été légitimé au Liban jusqu’en 1999 et n’ayant été considéré comme crime pénal qu’en 2011 seulement) ? Qu’est-ce qui empêcherait l’instauration d’un système de lois unique qui accordent et protègent les droits de la femme libanaise ? Est-ce dû au pluralisme des communautés religieuses qui revendiquent chacune jalousement la législation du statut personnel en accord avec ses croyances divines mais aussi culturelles? Le pluralisme des lois, des sources de législation et des juridictions saurait-il se rencontrer pour protéger les droits de la femme libanaise ?
L’ONG Kafa a témoigné au nom des femmes victimes de violence familiale. Des hommes de religion ont consenti à nous apporter les regards de leurs religions sur le statut de la femme et ses droits. Des hommes de lois ont explicités certaines lois relatives aux droits de la femme au Liban et les magouilles politiques qui retarderaient leurs amendements. Lisons leurs explications, peut-être se croisent-elles…
Kafa
Madame Rima Abi Nader, responsable du centre d’écoute et de counseling à Kafa nous raconte…
Kafa est une organisation non gouvernementale, non politique, non religieuse, non confessionnelle fondée en 2005. Kafa travaille pour l’arrêt de toute violence ou exploitation à l’encontre des femmes et combat sur le plan légal, social tout genre de discrimination sexuelle dans le but d’aboutir à un statut juridique qui assure l’égalité en droits des deux sexes.
Les femmes qui peuvent s’adresser à Kafa sont les femmes qui sont victimes de violence familiale ou conjugale. Cette violence peut être morale, psychologique, sexuelle, verbale, physique et économique.
Kafa reçoit chaque année 200 nouvelles demandes de femmes victimes de violences. Ces femmes-là n’ont souvent personne à qui s’adresser et manquent d’informations quant aux moyens légaux d’y faire face. Elles sont souvent désemparées surtout que les hommes de police les renvoient à leurs domiciles quand elles s’adressent à eux pour porter plainte contre leurs époux.
Pudeur injustifiée ? Machisme ? Manque de formation professionnelle ? Absence de lois ? La violence contre la femme ou l’enfant demeure pour les médecins et la justice de l’ordre des affaires familiales privées.
Ce que Kafa veille néanmoins à assurer aux femmes qui s’adressent à elle, sont les services gratuits d’un médecin légiste, la possibilité de consulter un avocat pour s’informer des droits qui régissent les statuts personnels de la communauté religieuse à laquelle elles appartiennent et une prise en charge psychothérapeutique pour réhabiliter leur confiance en soi car ces femmes sont souvent psychologiquement démolies et ont déjà subi pour la plus part, d’autres abus dans l’enfance. L’objectif de Kafa est donc d’armer psychologiquement et légalement les femmes victimes de violence afin qu’elles soient en mesure, après un moment, de se ramasser et de reprendre leurs vies en main.
Les limites de Kafa sont l’absence de lois qui protègent la femme victime de violences ou de harcèlements.
Il a été intéressant de relever que les bailleurs de fonds de Kafa sont européens. Aucun libanais, aucune libanaise, aucun(e) homme/femme arabe. Ce constat à lui seul, nous permettrait de mesurer à quel point au Liban et dans le monde arabe, la réhabilitation morale, judiciaire, physique et psychologique de la femme demeure une affaire de négligence.
Regards des différentes religions et confessions sur le statut social, familial et sur les droits de la femme au Liban
Le regard des chrétiens maronites pour la femme
D’un point de vue théologique
Selon le Père Richard Abi Saleh, curé de la paroisse de Saint Maron Gemmayzé et professeur de théologie à l’Université Saint-Joseph et à l’Université la Sagesse, dans les repères théologiques et anthropologiques de l’Eglise, l’homme et la femme sont égaux. Le texte de la genèse dit « homme et femme il les créa (…) Dieu les bénit et leur dit soyez féconds, multipliez-vous ». L’Eglise voit donc en l’homme et la femme, dès le départ, des partenaires complémentaires pour la vie à qui Dieu a confié une même mission à mener conjointement. Puis Jésus Christ est venu et a réhabilité l’homme et la femme face à Dieu au-delà de toute situation de péché, d’injustice sociale et institutionnelle en les ramenant face à leurs propres consciences. La séquence de la femme adultère dans l’évangile selon Saint Jean, chapitre 8 sauve la femme du jugement lapidaire des hommes : « Maitre, il est prescrit de lapider de telles femmes ». Jésus alors répondit « que celui d’entre vous est sans reproche, le premier, jette sur elle, une pierre » invitant ainsi tout membre de la société à se tenir devant soi-même avant de lancer la pierre aux autres et mettant la femme adultère seulement devant la justice et la compassion de Dieu « Je ne te condamne pas. Va-t-en et à partir de maintenant, ne pèche plus » donc il l’a responsabilisée.
Pour expliquer les lois posées par l’Eglise, Père Abi Saleh explique que l’Eglise vit dans une culture et qu’elle a dû parfois manier un discours qui n’a pas toujours été très conséquent avec les exigences de ses textes. L’évolution de la culture à travers les siècles a amené l’Eglise à ajuster les lois qu’elle a posées pour mieux dire sa foi et ses enseignements. Les lois du statut personnel ne sont pas des lois divines. C’est une expression dans laquelle l’Eglise évolue. Par ailleurs, Père Abi Saleh se demande si l’Eglise devrait toujours s’occuper de la gestion du statut personnel, si elle ne devrait pas plutôt s’en détacher pour se consacrer au témoignage et à l’enseignement de la foi.
A la question qui interroge la position de l’Eglise catholique par rapport à l’ordination des femmes prêtres : « l’absence de femmes prêtres dans l’Eglise catholique ne témoignerait-elle pas du doute de l’Eglise quant aux capacités des femmes à remplir une fonction accomplie par un homme ? », Père Abi Saleh répond qu’il n’y a pas d’interdit théologique pour qu’une femme soit ordonnée prêtre, l’argument en réponse est l’argument de la tradition. La femme enseigne la théologie et transmet la foi en tant que catéchète comme elle transmet la vie.
Pour Père Abi Saleh, en résumé l’Eglise percevrait l’accomplissement de l’homme et la femme dans la différence et la complémentarité.
Du point de vue des règles de succession et du statut personnel
L’avocate à la cour Judy Abou Saleh, spécialisée en droit privé, nous informe que les chrétiens du Liban suivent la loi civile rattachée au statut personnel concernant le règlement de succession. Les questions relatives au divorce, aux procédures d’adoption et à l’héritage des prêtres sont régies par les tribunaux religieux.
La loi régissant les successions des non mahométins promulguée en 1959 dispose qu’en cas de décès, l’homme et la femme héritent à part égales, des biens de leurs parents, enfants, frères, sœurs ou de leur conjoint sans discrimination sexuelle aucune en matière de droits.
La loi qui régit le statut personnel est inspirée de la doctrine de l’église catholique et du droit canonique romain qui a évolué avec le temps.
Concernant le regard de la loi qui régit le statut personnel et les droits de la femme chrétienne, nous retenons en résumé:
– Pour les affaires de divorce : si la femme travaille et qu’elle n’a pas d’enfants, elle n’a pas droit à une pension alimentaire. Elle est considérée comme capable de se prendre en charge financièrement.
– En cas de divorce, concernant la garde des enfants, la femme catholique a la garde du garçon et de la fille jusqu’à l’âge de deux ans bien que le juge soit en droit de reconsidérer l’application de cette loi au cas par cas et dans l’intérêt de chaque enfant.
– En cas de décès de l’époux, la femme a la garde des enfants mais en est conjointement tutrice avec leur grand-père paternel ou leur oncle paternel si le grand-père paternel est décédé. Le tribunal désigne de préférence un tuteur du coté paternel plutôt que du coté maternel. (en cas de décès de l’épouse le père est unique tuteur et a naturellement la garde des enfants)
– Si, en cas de décès de l’époux, la mère contracte un second mariage, la garde des enfants lui est retirée si la famille de l’époux défunt s’oppose à cette nouvelle union. (l’inverse n’est pas vrai)
Regard du chare’ sur la femme musulmane sunnite
Le cheikh Mohamed Nokkari, juge au tribunal Chari sunnite, enseignant à la faculté de Droit et à l’Institut d’études Islamo-Chrétiennes de l’Université Saint-Joseph et ancien directeur général de Dar el Fatwa nous explique le regard de l’Islam sunnite pour la femme en se basant sur le Coran et la Sunna. Cheikh Nokkari veille aussi à replacer les positions de l’Islam dans leur contexte historique et nous rappelle le rôle important qu’a joué le Prophète dans la réhabilitation de la femme. « Il est utile de rappeler, ici, la pratique qui était en vigueur en Arabie antéislamique, lors de la naissance des filles : elles pouvaient être enterrées vivantes. Dès le début, le Coran a condamné avec une extrême rigueur l’infanticide et les sentiments abaissants et humiliants envers les filles. Dans la Sunna, nous trouvons aussi plusieurs paroles mentionnant ces pratiques condamnables et la position du Prophète en faveur des filles. Au moment de l’annonce par le Prophète à ses compagnons, de la naissance de sa fille Fatima, il remarqua qu’ils étaient devenus muets et tristes. Il leur dit, parlant de sa fille : « Qu’est ce qui vous arrive! C’est une fleur que je sens ». D’autres textes de la Sunna vont encore plus loin, privilégiant les descendances féminines qui assurent à leurs parents des récompenses divines dans ce monde et dans l’autre. »
Concernant la polygamie, Cheikh Nokkari nous explique que la polygamie en soi constitue une avancée par l’Islam. 14 formes de mariage existaient en Arabie avant l’Islam. Elles ont été formellement interdites et limitées par le Prophète à la seule que nous connaissons aujourd’hui. Nous retiendrons à titre d’exemple: «L’Istibdal» lorsque plusieurs hommes s’entendaient à échanger leurs partenaires d’une façon définitive (ou provisoire «al taarjoh»). Ou «al moqot» lorsque l’époux décédait et laissait des enfants adultes. L’aîné parmi les enfants héritait la femme de son père qui devenait sa femme. Il pouvait aussi la laisser à un de ses frères si ce dernier était intéressé. Ou « al-Chigar» lorsque le père donnait sa fille en mariage à une personne et en contrepartie il épousait la fille de celui-ci.
Cheikh Nokkari nous explique qu’aujourd’hui le mariage en Islam est un accord entre l’homme et la femme, un contrat où la femme peut inclure toutes les clauses qui lui conviennent dont la possibilité de préciser le montant de la dot avancée et de la dot reculée, d’interdire au mari de contracter d’autres mariages ou la possibilité de s’octroyer le droit de réclamer elle-même le divorce en cas de mésentente conjugale. Cependant, rares sont les femmes qui demandent d’exercer leurs droits ou qui daignent se pencher d’avantage sur les clauses de leurs contrats de mariage. Il est intéressant de noter que bien que le Cheikh Nokkari informe les femmes de leurs droits, beaucoup ressentent de la pudeur face à la possibilité de les revendiquer ou estiment la réclamation écrite de leurs droits comme une audace ou une façon de douter dès le premier jour de la fiabilité de leurs époux. Par ailleurs, Cheikh Nokkari rapporte le témoignage de nombreuses femmes qui disent bien vivre la polygamie de leurs époux. Certaines peuvent être très copines entre elles. D’autres préfèrent demeurer l’épouse de leurs maris, quitte à ce qu’il contracte un deuxième mariage, plutôt que d’avoir à assumer socialement et financièrement le statut de femmes divorcées. Néanmoins, Cheikh Nokkari dit que l’Islam conseille la monogamie sauf dans pour les cas exceptionnels, de stérilité ou de maladie de la femme par exemple.
Par ailleurs, au niveau sexuel, l’Islam interdit formellement l’inceste, et au sein de la relation sexuelle conjugale, la violence sexuelle et le viol. Sont interdites par ailleurs les relations sexuelles pendant les menstrues, la pénétration anale et les pratiques qui pourraient nuire à l’un des époux, selon l’avis des médecins spécialistes. Parmi les droits de la femme, on souligne que l’homme doit accomplir l’acte sexuel avec son épouse au moins une fois tous les quatre jours et aussi en fonction de leurs besoins afin qu’elle puisse assouvir son plaisir. A l’aspect quantitatif se joint l’aspect qualitatif des rapports sexuels. Plusieurs textes prononcés par le Prophète incitent le mari à l’accomplissement des caresses et des baisers avant l’acte sexuel. Le Prophète dit : «Que l’un d’entre vous ne tombe pas sur sa femme comme le font les animaux. Qu’il y ait entre eux un messager. On demanda : « Qu’est-ce que le messager, » Le Prophète répondit : «Le baiser et la parole. » Le Prophète dit également : « Trois choses relèvent de l’impuissance chez l’homme : le fait que l’homme approche son épouse, qu’il l’honore avant qu’il ne lui ait parlé et qu’il se soit rendu agréable. Il couche alors avec elle, satisfait son propre besoin, avant qu’elle-même n’ait satisfait le sien » parce que, pour le Prophète, la sexualité engage deux individus et qu’il n’y a pas de sexualité épanouie sans échange. Aucun des deux époux donc n’est en droit d’imposer à son conjoint une pratique sexuelle qui lui répugne.
Ainsi, toute fille ou toute femme violentée selon les critères cités ci-dessus ou incestée, est en droit de porter plainte devant les tribunaux. Beaucoup d’hommes et parfois des femmes interprètent la chari’a selon leur convenance sans chercher à approfondir et à alimenter leurs connaissances avec toutes les nuances et la symbolique des versets coraniques, élevant au nom du chare’, leurs filles dans une soumission absolue aux hommes et dans la négation de soi et leurs fils dans une toute-puissance, qui est, à regarder de près, même religieusement illégitime.
Au niveau des lois qui régissent le statut personnel, en cas de divorce la femme a la garde des enfants jusqu’à l’âge de douze ans, le juge ayant la possibilité de reconsidérer l’application de la loi au cas par cas, selon l’intérêt de chaque enfant.
Concernant les questions d’héritage, en cas de décès du père (si ce dernier n’avait pas procédé de son vivant à la distribution de ses biens à ses enfants d’une manière équitable entre garçons et filles), l’homme hérite du double de sa sœur mais dans ces cas- là, cette dernière est en droit de lui réclamer, auprès des tribunaux, la version d’une pension mensuelle, si elle se trouve dans le besoin.
Regard du chare’ sur la femme musulmane chiite
Cheikh Abdel Halim Charara, juge au tribunal cheri’ chiite, nous parle aussi, à son tour, de l’injustice que subissait la femme dans la société arabe antéislamique. Ainsi, selon lui, même si le Prophète a réhabilité la femme face à ce regard de honte, la société musulmane garde malheureusement, dans ses habitudes culturelles, un fonctionnement tribal. Si la femme n’est plus enterrée à sa naissance, elle demeure traitée avec infériorité. Cette infériorité serait une séquelle de la culture antéislamique. L’islam quant à lui se refuse d’être associé à ce genre de violence morale à l’égard de la femme. Au regard de l’Islam, l’homme et la femme sont égaux sur un plan humain et sont tous deux considérés à égalité comme les piliers du foyer. Cependant, du fait de leurs différences biologiques, chacun des deux à un rôle différent qui lui a été attribué par le Coran pour assurer une complémentarité nécessaire au fonctionnement social et à l’éducation des enfants. La femme donc se devrait de prendre soin des enfants et de la famille, et l’homme d’assurer les dépenses et de protéger sa femme et ses enfants. Par le rôle de protection, il y a un rôle de responsabilisation de l’homme.
La violence contre la femme ou les enfants est considérée par l’islam comme un abus qui devrait être puni par la loi. Si le mari fait subir à la femme une violence physique, sexuelle, s’il l’offense, la menace ou l’insulte, le juge au tribunal chéri’ protège alors la femme et prononce le divorce parce que le mari aura manqué à l’accomplissement de son devoir qui est celui de la protéger.
Concernant les questions de mariage, selon Cheikh Charara, le mariage provisoire est considéré comme une ouverture de la religion qui permet à l’homme et la femme d’assouvir un plaisir désiré. A la question qui est de savoir ce qui distingue le mariage provisoire qui finalement ne donne aucun droit à la femme, d’un acte sexuel consenti en dehors du cadre du mariage, Cheikh Charara invoque alors la possibilité à toute femme d’assouvir, dans la légitimité à travers le mariage provisoire, son désir de maternité. Le mariage provisoire protègerait donc l’enfant à venir.
Par ailleurs, l’Islam chiite n’est pas contre la polygamie si le mari est capable de traiter ses épouses avec équité et justice.
Dans les cas de divorce la femme chiite a la garde de sa fille jusqu’à l’âge de 7 ans et du garçon jusqu’à l’âge de 2 ans.
Au niveau des questions d’héritage, le frère hérite du double de sa sœur.
Beaucoup d’autres sujets relatifs aux droits la femme musulmane sunnite et chiite méritent d’être traités ou discutés comme l’obligation de porter le voile, le droit que s’octroie tout homme « d’éduquer » au nom du chare’ sa fille, sa sœur ou sa femme (sachant que toute femme battue est en droit de porter plainte ou de réclamer le divorce), l’attente de femmes vierges au Paradis en récompense aux hommes musulmans vénéneux (depuis quand les anges ont-ils des rapports sexuels ?) etc. autant de concepts clichés qui seraient à ne pas être entendu au premier degré mais qui sont tout de même assez larges pour être développés dans ce dossier…
Regard que porte la religion druze sur le rôle et les droits de la femme
Cheikh Ghandi Makarem, juge au statut personnel propre à la religion druze, nous dit que la religion druze équivaut l’homme et la femme au niveau des préceptes religieux et au niveau de la vie, en droits et en devoirs. Les hommes devraient cependant traiter les femmes avec bonté, compassion et bienveillance. Ils sont responsables de leur protection, d’assurer leurs soins et de préserver leurs réputations. L’homme druze devrait veiller à traiter aussi sa femme en égale au niveau moral et matériel.
Par ailleurs, la femme druze est un membre aussi important que l’homme dans la société, et a les mêmes droits que lui en éducation et sur le marché du travail.
Au niveau du mariage, le mariage est autorisé pour la fille druze, si elle le désire et que telle est sa volonté, à partir de l’âge de 15 ans. Au sein du mariage, l’acte sexuel est un acte totalement consenti. Nulle femme ne peut y être contrainte ou se soumettre à une pratique sexuelle qu’elle n’apprécie pas. Par ailleurs, la femme druze est en droit de demander au juge le divorce si elle le désire, et l’obtenir, sans être dans le devoir de fournir de raison justificative. La religion druze selon Cheikh Makarem, protège aussi, la femme en interdisant d’une part la polygamie, et d’autre part le retour de la femme divorcée : « la femme n’est pas une balle que l’homme peut se permettre de faire rebondir en aller-retour. La décision du divorce devrait être une décision responsable, murie et réfléchie. »
En cas de divorce la femme a la garde de sa fille jusqu’à l’âge de 9 ans et de son fils jusqu’à l’âge de 7 ans.
En cas de décès des parents, le garçon hérite du double de sa sœur. Cependant, ce qui est intéressant au niveau de la loi du statut personnel propre à la religion druze c’est que toute personne a le droit de rédiger son testament et de faire bénéficier de ses biens n’importe quelle personne de son choix: autrement dit, en ce qui concerne la femme, tout mari, s’il le désire, a le droit de faire hériter exclusivement sa femme et tout père exclusivement sa fille.
Nous relevons au niveau du statut personnel commun aux religions mentionnées ci-dessus, excepté pour la religion druze, qu’en cas de décès de l’époux, même si ses droits de mère lui sont reconnus, la femme libanaise n’est pas traitée par la loi comme étant l’égale de l’homme au niveau de sa capacité à assurer à elle-seule, son autorité et ses pleines fonctions parentales. Elle devrait se battre juridiquement pour obtenir des droits parentaux légitimes, acquis pour l’homme, et devrait prouver sa « sagesse », sa « maturité » et ses « capacités » à gérer à elle seule, les finances et les projets éducatifs de sa progéniture. Ce sont généralement le grand-père ou l’oncle paternel, s’ils en sont dignes, qui sont nommés tuteurs des enfants.
Face aux considérations des différentes religions, le regard de la justice libanaise pour les droits de la femme au Liban
Pour Maître Nizar Saghieh, avocat et directeur exécutif du Legal Agenda, l’appareil judiciaire libanais n’est pas indépendant. Il est rattaché au système politique. C’est le système politique qui serait donc, concernant les lois en lien avec les droits de la femme, en train de s’opposer à ce que la femme libanaise obtienne ses droits. Ainsi, même si la femme libanaise aujourd’hui a acquis par exemple ses droits politiques ou économiques, on lui refuse toujours son droit le plus légitime qui est celui de donner sa nationalité à ses enfants. Le comité ministériel qui s’est penché sur la question en décembre 2012 a invoqué comme justification à ce refus la nécessité de maintenir l’équilibre démographique entre les confessions. Or il est inacceptable que des considérations d’ordre politique ou religieux prévalent sur le droit à l’égalité inhérent à tout individu. Selon Maître Saghieh, aucune force politique au Liban ne peut prétendre être pour l’égalité entre l’homme et la femme. Octroyer à la femme ses droits (y compris le droit a ne pas être battue par exemple) raisonne dans le discours populiste de certains leaders politiques comme une menace à l’unité de la famille ce qui ébranlerait la force et la légitimité de la tradition. Ce discours populaire est différent du discours vrai et rationnel mais il plait aux citoyens et maintient les hommes politiques dans leur statut féodal. Par ailleurs les hommes politiques ont toutes les ressources de l’Etat à leur disposition (les emplois, les moyens financiers etc.). Le citoyen devient par conséquent asservi ; comblé soi-disant de droits politiques, il n’obtient en définitive aucun droit personnel notamment les droits de l’homme reconnus et validés internationalement
Si, au niveau de la société civile le discours a évolué, rares sont les changements qui ont été fait au niveau de la légifération des lois qui protègent effectivement la femme. Il faudrait donc selon Maître Saghieh, assurer l’indépendance de la justice par rapport au politique et laisser au juge la possibilité de proclamer les droits (des femmes entre autres) à partir des plaidoiries. Les droits de la femme au Liban devraient s’inscrire dans un projet social avec des idées de droit et de justice. La classe politique devrait savoir que le compromis confessionnel ne peut pas perdurer sans l’existence d’un centre, en l’occurrence la justice, qui protège les droits de tous les libanais.
Ce dossier nous permet donc de nous rendre compte que la violence familiale est culturelle, sociale, légitimée par le silence du politique et l’asservissement du système judicaire. La femme qui reçoit des coups à son amour propre et à son corps, a été éduquée dans l’idée que sa rébellion serait une offense à Dieu. Dieu lui-même, aux dires des hommes de religion, en aurait pleuré. La femme victime de violence n’a jamais pensé interroger la loi ou oser consulter pour connaître ses droits. Pourtant la hotline de Kafa 03 01 80 10 est à son service 24h/24 pour lui fournir des réponses. Peut-être que l’homme asservit-il la femme aussi parce qu’il est asservi lui-même, autrement, par son chef politique féodal. Il l’applaudit depuis au moins 30 ans comme son père avant lui, applaudissait le père de cet homme-là. Quel intérêt aurait alors l’homme politique à accorder à la femme ses droits ? Il ferait de l’homme bourreau, qui maltraite la femme, un homme carencé sans souffre-douleur, un homme qui aura à se redécouvrir pour apprendre à penser, un homme qui voudra un jour sortir de prison, la prison de la soumission politique nourrie par la peur de l’autre.
Mais un jour, en avril 2010, le juge John Azzi a donné aux enfants de Samira Soueidan nés de père égyptien, la nationalité libanaise et un autre jour, en septembre 2013, la juge Arlette Tabet a protégé une femme et ses petites filles contre les agissements abusifs du mari (en lui rétribuant le domicile conjugal vendu à son insu et ses affaires personnelles confisquées). Cet homme et cette femme juges, ce couple de la justice, un homme et une femme, n’auraient-ils pas fécondés ensemble une justice de droits, indépendante et intègre, qui fait prévaloir le droit au politique, affranchissant par conséquent la société libanaise d’un parlement affolant où exclusivement des hommes accouchent les lois?
Zeina ZERBÉ