Publié par Annahar le 29 juin 2014
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Les secrets nécessaires à la vie psychique
Des secrets ? Qui n’en a pas ? Du silence, des petits mensonges de transgression de l’enfance au journal intime, à la première cigarette de l’adolescence cachés aux parents, aux conversations privées entre amis ou avec des inconnus de passage, des fantasmes aux rêveries, des relations intimes à soi, à ceux qui se partagent dans les couples, aux rapports personnels, à tout ce que nous ne voulons pas transposer sur la sphère publique ; des secrets liés au sexe et au sexuel tel que la masturbation, les émois amoureux et sexuels, les fantasmes, les pratiques sexuelles, la jouissance qui constituent les secrets de la sphère la plus intime, nous constatons que le secret est partout.
Il pose le socle des pensées personnelles nourries en soi, pour soi. Le secret est nécessaire dès l’enfance pour la constitution du Moi et la naissance de l’identité individuelle séparée de celle de l’Autre. Le secret est donc structurant pour protéger l’identité profonde des intrusions de l’environnement. Toute personne a ainsi droit au secret.
Mais il y a des secrets d’une autre nature, les secrets qui paralysent…
Secrets qui paralysent la vie psychique
C’est les secrets qui concernent les enfants adultérins, les enfants d’une première union, les personnes de la famille ayant des maladies psychiques ou mentales, les secrets de suicide, d’adoption.
C’est les secrets des situations de chômage, de problèmes de réfugiés, d’antécédents parentaux de délits, des secrets qui renferment des souvenirs douloureux ou des sentiments de honte, autant de situations tues, taboues mais pressenties et vécues par tous les membres de la famille. Ces secrets tus sont capables d’engendrer plus tard, par transmission transgénérationnelle, chez les enfants de la deuxième voire même de la troisième génération, d’importants dégâts à l’échelle psychique et au niveau de la construction de la personnalité.
Certains secrets sont tus ou non-dits non pas dans le but expressif de les cacher mais par impossibilité de les évoquer tant la violence qu’ils renferment est impensable. Le sujet n’a même pas pu les intégrer, les élaborer et donc est par ailleurs incapable de les raconter. Nous parlons ici de secrets de torture, de guerre, de déportations, de kidnapping.
Dans les cas de maladie grave et de mort, cacher la maladie mortelle d’un parent ou même la mort d’un proche à un enfant ou à une personne âgée soi-disant pour les protéger, les jugeant trop jeunes ou trop fragiles, pour intégrer, comprendre ou gérer la nouvelle, va nécessairement provoquer en eux un grand sentiment d’exclusion. Face à des comportements, des attitudes inexpliquées, des chuchotements, des mimiques graves, des discussions interrompues à son arrivée, des attitudes de fausses joies, la personne pressentira la gravite de la situation, l’inquiétude des parents mais comme la cause n’est pas évoquée, non dite, taboue, elle va se devoir d’agir comme si de rien n’était.
L’enfant ou la personne à qui l’on cache quelque chose intentionnellement ne pourra pas exprimer son angoisse, l’élaborer avec les autres, poser des questions et avoir des réponses. Les fantasmes de quelque chose de grave, d’innommé prendront la place des réponses simples qui pourraient calmer l’angoisse qui deviendra alors disproportionnée. Il se sentira responsable. Il pensera que c’est sa faute. Le problème réside surtout quand le secret est partagé par une communauté de personnes excluant l’enfant.
Quelque soit le secret caché, il provoquera de la rancœur, sera la cause de la perturbation des relations interfamiliales et de la perte de confiance de la personne avec son entourage mais surtout avec elle-même. Elle se sentira dépréciée, dévalorisée puisque jugée inapte à comprendre ou incapable de supporter la vérité. La parole se trouvera ainsi liée. Le secret caché pour éviter un traumatisme, en engendrera un autre.
Une psychothérapie du secret ?
Ne pas fonctionner dans le secret et ne pas cacher aux enfants leur origine ou la notre et ceci dès leur plus tendre enfance car très souvent leur origine ou la notre, la grande famille et la société la connaissent. Leur inconscient aussi.
Nous faisons fausse route si nous pensons qu’il suffit d’étouffer nos mots pour faire taire nos histoires, nos douleurs, nos traumas. Parce que si les secrets qui nous rongent ne s’expriment pas dans nos discours, ils parlent quand même à travers nos corps, à travers l’inadéquation de nos silences, nos colères inappropriées ou le sentiment de honte qui nous brise.
Peut-être suffit-il dans les cas de maladies et de morts de dire tout simplement la vérité. De toute façon la vérité se rattrapera.
Dans les cas de secrets lourds liés au passé ou au présent pourquoi ne pas introduire entre soi et le secret un psychothérapeute, capable par son écoute de reconnaitre la douleur du secret-trauma et ses séquelles sur l’organisation psychique, familiale et sociale ? Une psychothérapie serait susceptible d’apporter alors une aide pour comprendre et travailler, non pas le secret lui-même, mais ce lien qui unit au secret et qui fige le psychisme dans l’espace-temps du secret opérant une déliaison avec la vie.
Zeina ZERBÉ
Psychologue clinicienne- Psychothérapeute